Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/318

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— Tout ce que tu vois, à droite, à gauche, devant toi, derrière toi, tous ces champs, toutes ces maisons, toutes ces prairies, et, là-bas, tous ces bois, tout cela c’est à moi… Et encore tu ne vois rien !… Je suis sur trois chefs-lieux de canton, quatorze communes… J’ai six cent soixante-dix-sept champs… D’ailleurs tu verras tout cela sur mon plan, dans le vestibule de mon château… Il faut vingt-deux heures pour faire le tour de ma propriété, vingt-deux heures… mais tu verras tout cela sur mon plan… c’est épatant… Tu verras mes vaches aussi, mes cinquante-sept vaches, tu verras mes cent quatre-vingt-dix bœufs cotentins, tu verras mes viviers… Enfin, tu verras tout… Ah ! tu ne vas pas t’embêter !…

Il se renversa sur le dossier de la victoria, allongea les jambes, croisa les bras, et souriant d’un sourire béat, il contempla ses champs, ses prairies, ses bois, ses maisons qui défilaient, fuyaient derrière nous. Des paysans en nous voyant passer, levaient