Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/317

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Voilà comment je les traite moi, tes ducs !… Qu’est-ce que tu dis de cela ?

— C’est admirable !

— N’est-ce pas ?… Dame ! c’est juste !… J’ai quinze millions… Et le duc, qu’est-ce qu’il a, lui ?… À peine deux pauvres millions… Et les moutons ? Faut voir comme j’écrase les moutons !… J’ai aussi écrasé des enfants, des enfants de pauvres… Qu’est-ce que cela fait ?… Je paie.

Et M. Lechat se frotta les mains.

— Avec ces manières-là, lui demandai-je, vous devez être joliment populaire dans votre pays ?

— Si je suis populaire ?… Tu verras cela aux élections, mon petit… Sais-tu comment on m’appelle ? ajouta-t-il en se rengorgeant… On m’appelle Lechat-tigre… c’est chic, hein ?… miaou !… Lechat-tigrrre…

Pendant quelques minutes, les yeux arrondis, les lèvres écartées, hérissant sa maigre moustache, il imita grotesquement les chats en colère, puis, tout à coup il me dit :