Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/344

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Sur le fond clair de la luzerne, se détachait en trèfle, d’un violet sombre, toutes les lettres, nettement dessinées, qui forment le nom de Théodule Lechat. Le nom était non seulement lisible sur la nappe verte, mais il semblait vivant. La brise, qui balançait l’extrémité des herbes, et les faisait onduler, comme des vagues, parfois agrandissait les lettres du nom, parfois les rétrécissait suivant sa direction et son intensité. Lechat, épanoui, contemplait son nom qui frissonnait, dansait et courait, étoilé ça et là de coquelicots, sur la mer de verdure éclatante. Il jouissait de voir ce nom magique, étalé à la face du ciel, exposé sans cesse aux regards des passants, qui, sans doute, s’arrêtaient devant ce nom, l’épelaient et le prononçaient avec une sorte de crainte mystérieuse… Ravi et charmé, il murmurait tout bas scandant chaque syllabe :

— Théodule Lechat ! Théodule Lechat !

Le visage rayonnant d’une joie triomphante, il se tourna vers moi :