Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/345

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— C’est trouvé, hein ?… J’ai fait venir, figure-toi, un jardinier célèbre de Paris pour semer ce champ, parce que, tu le penses bien, personne ici n’était capable d’un tel tour de force… C’est flatteur, n’est-ce pas, de voir son nom écrit comme ça ?… On se dit tout de suite en voyant ce nom : « C’est pas un mufle au moins, celui-là. » Et puis, si tout le monde signait ses champs, il n’y aurait plus de contestations dans la propriété ?… Viens par ici.

Nous longeâmes le champ de luzerne, pénétrâmes dans le bois à travers une jeune taille de châtaigniers, et comme nous atteignions une large allée, ratissée ainsi qu’une avenue de parc, nous vîmes venir une pauvresse dont le dos ployait sous le faix d’une bourrée de bois mort. Deux petits enfants, en guenilles et pieds nus, l’accompagnaient. Lechat devint pourpre, une flamme de colère s’alluma dans ses yeux et la canne levée, il se précipita vers la pauvre femme.

— Mendiante, voleuse, cria-t-il, qu’est-ce