Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/368

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je n’ai pas le courage de me baisser, d’étendre le bras, pour le ramasser… Et je sens que je m’engourdis… Puis je n’entends plus rien que des bruits vagues, des ronflements incertains. Autour de la chambre, le long de la plinthe, des belettes courent, bondissent, se poursuivent… Une femme portant une pannerée de pommes qui, toutes ont des visages d’enfants, saute à cloche-pied… puis c’est un lapin qui, assis sur son derrière, grossit, s’enfle comme un éléphant, en se tordant de rire… Tout à coup, la fenêtre s’ouvre, et un homme que je ne connais pas apparaît. Il enjambe l’appui de la fenêtre, pénètre doucement dans la chambre et s’assied près de moi. Cet homme a un très long nez, une redingote verte, un chapeau gibus sans ressorts… Il me fait signe qu’il veut parler… Je l’écoute.


« Avez-vous été à l’Odéon, monsieur, me dit-il, et avez-vous remarqué que les femmes qui viennent là sont les plus affreuses créa-