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Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/104

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récréations, le nez sur ses livres. Et puis, quand il n’étudiait pas, on le voyait toujours pendu à la soutane des surveillants et des professeurs qu’il accaparait, lorsque ceux-ci venaient faire une apparition dans la cour. Il ne l’en aima pas moins, de loin, le suivant avec plaisir, retrouvant, en lui, sérieux et renfrogné, un peu du charme attirant des deux sœurs si jolies, dont s’était ému son instinct de jeune mâle, un soir.

Mais, à mesure que son intelligence s’élargissait, que de pâles lueurs jalonnaient le champ plus vaste de ses observations journalières, à mesure que se développait, en lui, le désir d’apprendre, il se dégoûtait davantage du travail, et ce dégoût s’affirmait, au point que la vue seule de ses livres lui causa une impression pénible, irritée, presque une souffrance. Il fut obligé de faire un effort violent sur lui-même, pour les ouvrir, pour s’astreindre à les étudier. Les punitions corporelles, le pain sec, la mise aux arrêts, la privation de promenades ; les punitions corporelles, morales, la honte publique des mauvaises places, augmentèrent cette disposition, au lieu de la réformer. Sa réputation de paresseux, de cancre, s’établit bien vite, et il s’en affligea : « C’était plus fort que lui, il ne pouvait pas. »

Chez les natures d’enfant, ardentes, passionnées, curieuses, ce qu’on appelle la paresse n’est le plus souvent qu’un froissement de la sensibilité ; une impossibilité mentale à s’assouplir à certains devoirs absurdes ; le résultat naturel de l’éducation disproportionnée, inharmonique qu’on leur donne. Cette paresse, qui se résout en dégoûts invincibles, est, au contraire, quelquefois la