Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/110

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— Comment s’appelle-t-elle ?

— Marguerite Lecautel.

Il s’étonnait d’avoir pu prononcer ce nom, en cette ombre tragique. Cela lui faisait l’effet d’une trahison, d’une infamie, de quelque chose d’affreusement vil et lâche. Et la voix du Père Monsal reprenait, plus assourdie, s’échappant en petits sifflements, en petits râles, qui se confondaient presque avec le bruit du surplis froissé et les craquements du bois :

— Marguerite ? Ah ! Ah !… Voyons, dites-moi, mon enfant ?… vous n’avez jamais eu avec elle des attouchements impurs ?… Dites-moi, quand vous étiez seuls, vous l’embrassiez quelquefois ?… Elle aussi, quelquefois, souvent, vous embrassait ?

— Je ne sais pas.

Et, tout tremblant, il se cramponnait à l’accoudoir du prie-Dieu.

— Bon !… Bon !… Et comment vous embrassait-elle ?… Sur la joue ?… sur la bouche ?…

— Je ne sais pas.

— Sur la bouche ?… Ah ! ah !… C’est très grave… C’est un péché très grave !… Et dites-moi encore… Vous n’alliez pas plus loin, avec elle… Par exemple… oui… vous n’aviez pas le désir de… Enfin, je suppose, vous n’alliez pas ensemble pour satisfaire certain besoin… Ah !… Ah !…

— Non !

— Allons !… allons !… C’est très bien…

Il marmottait des mots latins ; sa main, sur le grillage, passait et repassait, distribuant de vagues bénédictions. Et, très rouge, prêt à pleurer, avec de la honte sur la peau, Sébastien sortait du confessionnal, sentant que quelque chose de sa pudeur,