Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/113

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m’a dit que je ne pouvais pas t’amener à Kerral…

Sébastien reçut au cœur un coup affreux et, très pâle, il laissa tomber sa lettre à terre.

— Justement, bégaya-t-il, mon père m’écrivait… tiens… parce que…

— Oui… tu comprends, interrompit Jean… Papa a dit en me tirant les oreilles : « Si on l’écoutait, ce gamin-là, il nous amènerait tout le collège. » Enfin, il n’a pas voulu, quoi ! ni maman non plus. Ils m’ont demandé ce que tu étais. Je leur ai expliqué que tu étais quincaillier… qu’on t’embêtait à cause de ça… mais que tu étais tout de même bien gentil… et que je t’avais promis de te montrer mon uniforme de hussard… Alors, ils m’ont défendu de te voir… ils m’ont dit que tu n’étais pas une société pour moi… que je prendrais avec toi de mauvaises habitudes… tu comprends… Et ils m’ont fait un sermon parce que j’avais la manie de ne me lier qu’avec des pouilleux… J’ai répondu que tu n’étais pas un pouilleux, que tu n’étais pas sale comme Bolorec… Enfin, voilà !

Inquiet, piétinant sur place, Jean regardait autour de lui. Il reprit avec volubilité :

— Il ne faut plus que je te voie… il ne faut plus que nous allions ensemble… Le Père Dumont est venu, et il a promis à papa qu’il me surveillerait… Mais je t’aime bien tout de même… Je te parlerai quelquefois, quand on ne nous verra pas, tu comprends… Et puis, Bolorec, on ne lui a pas défendu à lui, d’aller avec toi… Tu iras avec Bolorec… Il est très gentil, Bolorec… Je m’en vais, parce que le Père nous regarde… Il m’attraperait si je causais trop longtemps avec toi… Ah !