Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/114

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dis donc !… Il faudra aussi que tu me rendes le ballon en cuir que je t’ai donné…

L’enfant ne pleura pas. Mais la douleur du coup fut si forte, qu’il pensa s’évanouir. Il voulut crier : « Jean ! Jean ! » et ne le put. Il avait la gorge serrée, la tête bourdonnante et vide, les membres tout froids. Il essaya de faire un pas, et ne le put… Le sol sous ses pieds se dérobait, se creusait en abîmes… Des lumières rouges dansèrent devant ses yeux. Et Jean s’éloigna en sautillant.

Or, le lendemain, les élèves allèrent en promenade, sur la route d’Elven. On fit halte dans le bois de Kerral.

— On t’avait promis aussi de venir là ? dit à Bolorec Sébastien qui, depuis le début de la promenade, n’avait pas encore prononcé un mot.

— Oui.

— Et puis, après, on n’a plus voulu ?

Bolorec haussa les épaules, et, sans avoir l’air d’écouter, ramassa un éclat de bois qu’il se mit à examiner attentivement.

— Et ça ne t’a pas fait de la peine ! insista Sébastien.

Bolorec secoua la tête.

— Pourquoi que ça ne t’a pas fait de la peine ?

— Parce que… expliqua Bolorec.

— Tu n’aimais pas Jean, alors ?

— Non.

— Et moi ?… Est-ce que tu m’aimes ?

— Non !

— Tu n’aimes donc personne ?

— Non.

— Pourquoi ?

— Parce que, je les em…, répondit Bolorec qui,