Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/136

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ponds : « Oui. » Mais à quoi penses-tu ?… Et pourquoi ne dis-tu rien ?… Tu entends ?… Tu es là comme une souche ! C’est que tu ne sembles pas comprendre que tu es une charge pour moi, une charge très lourde… Tu me crois riche ?… Et le reste t’est bien égal !… Si je ne t’avais pas, j’aurais pu, cette année, acheter le champ du Prieuré, qui a été vendu pour rien… pour rien… voilà ce que tu me coûtes !… Et je me serais retiré du commerce… Ah ! bien, oui !… Il faut que je trime pour toi, pour un enfant sans cœur… Ah ! j’ai été bête !… Mon Dieu que j’ai été bête !… J’aurais dû te laisser ici, t’apprendre le métier de quincaillier… Mais un père est un père… Il a de l’ambition… J’en suis bien puni… C’est comme ta tante Rosalie… Elle est très mal… Sa paralysie remonte… Voilà encore un héritage sur lequel il ne faut pas compter. Et pendant ce temps-là, à quoi songes-tu ?… À jouer de la musique !… Je me tue de travail, je ne vis que de privations, tout m’échappe à la fois… Et toi ? Monsieur veut apprendre la musique !… Je suis outré, outré, outré !…

Sur ces mots, ils s’arrêtèrent devant le magasin. Sébastien remarqua, avec étonnement, au-dessus de l’enseigne, une banderole neuve, d’un vert criard, en zinc découpé. Sur le déroulement des plis de métal, était écrite en lettres rouges et gothiques la devise des Jésuites : « Ad majorem Dei gloriam. »

— Tiens !… vois, dit M. Roch… la peinture s’écaille… Est-ce convenable ?… Eh bien, je n’ai pas pu faire réparer ma devanture pour les fêtes de Pâques, à cause de toi… De la musique ! je vous demande un peu !… Allons, entre, va dans