Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/146

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roulant dans ses mains, les omoplates soulevées comme par une violente tempête intérieure, sanglotait, à se rompre les veines. Un spasme plus fort que les autres avait rejeté l’hostie hors de la bouche, avec un jet de salive, et le malheureux était resté, quelques secondes, sans pouvoir la reprendre, la figure barbouillée de cette bave, où se diluait le corps de Jésus. Il sanglota de la sorte, tant que dura l’office ; pendant le sermon que prononça le Père Recteur, il sanglota. On le vit, tandis que les chants du Te Deum montaient, exultant, vers la voûte, on le vit qui se frappait la poitrine, avec démence. Et sur ses lèvres se précipitaient, se bousculaient les prières, les invocations ardentes, les supplications affolées. En se rendant au réfectoire des Pères, où un banquet avait été préparé pour les premiers communiants, il sanglotait toujours. Il semblait que les larmes ne pussent se tarir jamais. Ses paupières le piquaient comme des plaies à vif ; il marchait, sans voir, les jambes si molles, que, pour ne pas tomber, il était obligé de s’appuyer aux murs. Et il disait : « Mon Dieu ! Epargnez-moi… ne me faites pas mourir… Je suis un petit enfant, et ça n’est pas de ma faute… Je vous promets d’expier mes péchés… Je travaillerai bien, j’aimerai mes camarades et mes maîtres, et je porterai des cilices, et je me flagellerai la poitrine, comme ces grands saints, dont on nous a appris l’histoire, qui furent des pécheurs et qui sont au ciel. »

— Votre première communion a été très édifiante, mon cher enfant… lui dit le Père Recteur, au réfectoire… Nous en sommes très heureux… Elle sera votre sauvegarde, plus tard,