Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/147

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dans la vie ; aujourd’hui elle est votre pardon.

Sébastien considéra, sans comprendre, ce prêtre aux traits si purs, aux gestes si nobles, au visage d’une si calme et marmoréenne beauté, et dont la voix avait l’onction d’un baume, tandis que ses yeux gardaient sur leurs globes pâles quelque chose de sec, d’impénétrable ; de plus narquois et de plus impénétrable que le destin.

Durant quelques semaines, Sébastien se montra d’une piété exemplaire, farouche, d’une assiduité au travail, acharnée et rare. Il passa auprès de ses camarades, pour un saint et pour un héros. Puis, quand il vit que non seulement il ne lui arrivait rien de fâcheux, à la suite de cette effrayante aventure, mais qu’il en recueillait, au contraire, d’inespérés honneurs, des amitiés flatteuses, d’enthousiastes admirations, il se prit à réfléchir, à douter de l’hostie, du Père Recteur, de ses condisciples et de lui-même. Et, il eut, très confuse encore, l’intuition de l’ironie qui est dans la vie, cette ironie énorme et toute puissante qui domine tout, même l’amour humain, même la justice de Dieu. Insensiblement, il se relâcha de ses devoirs et de ses exercices pieux. Il revint s’asseoir, avec Bolorec, sous les arcades près des salles de musique.

— Quand tu as fait ta première communion, qu’est-ce que tu as éprouvé ? lui demanda-t-il un jour.

— Rien ! répondit Bolorec.

— Ah !… Et l’hostie ?… Qu’est-ce que c’est que l’hostie ?