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IV


Deux années s’écoulèrent.

De la cour des petits, Sébastien avait passé dans celle des moyens, où l’existence avait été la même. Il ne s’était pas accompli, au collège, d’autres événements importants, que le renvoi simultané de quatre élèves, attribué à des causes malpropres, dont on chuchota, entre soi, à mots couverts et indignés ; et puis la disparition soudaine des demoiselles Le Toulic. Sébastien eut quelque mélancolie à ne plus les voir, le soir, sur la place, avec leur mère, en rentrant des promenades. C’était pour lui une douceur que cette présence jumelle, laquelle donnait à ses rêves, encore incertains, un corps tangible et charmant, une émotion à sa jeune chair s’éveillant à la clarté chaste de l’amour. L’une, hélas, était morte de la poitrine ; l’autre avait été enlevée par un officier. Ces drames successifs firent longtemps jaser, et le malheureux Le Toulic, plein de honte et de chagrin, se tint davantage à l’écart de ses camarades, le front couturé de plis plus durs, les doigts plus