Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/150

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salis d’encre, presque bossu, le pauvre petit diable, à force de se pencher sur ses livres, sans relâche. Quelques-uns, jaloux de ses succès, se moquèrent de lui, lâchement, cruellement. Personne d’ailleurs, à l’exception de Sébastien, ne le plaignit, car il n’était pas très riche, ni adroit au jeu de paume, ni gai. D’ailleurs, on savait que les Jésuites l’élevaient pour rien. Mais il ne prêta aucune attention à cette indifférence et à ces insultes ; silencieux, solitaire, il redoubla d’acharnement au travail.

Sébastien transporta donc ses habitudes, ses enthousiasmes, ses dégoûts d’une cour dans l’autre, et ce fut tout. Il continua de faire son unique intimité de Bolorec, dont l’adresse à sculpter progressait, et qui rêvait toujours incendie du collège et massacre des Jésuites. Mêmes promenades aux mêmes endroits, le long des grèves, ou sous les roches éboulées de la grotte du roi Jean ; mêmes périodiques fêtes, mêmes devoirs accablants et ennuyeux, auxquels il ne pouvait s’assouplir.

Pourtant, les trois années qu’il venait de vivre parmi ce petit monde, dressé à l’intrigue et à l’hypocrisie, lui apprirent à ne plus montrer, tout nus, ses sentiments et sa pensée ; il sut dissimuler ses joies comme ses souffrances, avec une pudeur avare et jalouse, ne plus jeter à la tête de chacun les morceaux saignants de son propre cœur. Sans devenir méfiant, ni compliqué, il surveilla davantage ses paroles et ses actes, surtout auprès des maîtres, car les quelques élans qu’il avait eux vers eux ne lui avaient valu qu’un soulagement momentané, des promesses vite changées en duperies. Il en voulut au Père de Marel de lui avoir