Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/17

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à n’en pas douter, un ouvrier d’un rare mérite. On lui doit la réfection de deux chapiteaux représentant le massacre des Innocents, et celle des animaux symboliques qui ornent le portail. Il s’installa dans le pays, s’y maria, car c’était un homme rangé, fonda la dynastie actuelle des Roch, exécuta divers travaux importants, entre autres le chœur de la chapelle de la Vierge, qu’on peut voir au couvent des Dames de l’Éducation chrétienne, et qui est considéré, par les connaisseurs, comme une merveille d’art. En 1793, les révolutionnaires, armé de pioches et de torches enflammées, tentèrent de démolir l’église que Jean Roch, soutenu par quelques compagnons seulement, défendit. Capturé, tout sanglant, après une lutte héroïque, les bandits l’attachèrent à califourchon sur un âne, le visage tourné vers la croupe et, dans la main, la queue de l’animal, en guise de cierge. Ensuite, ils le lâchèrent, lui et son âne, à travers les rues, où tous les deux furent massacrés à coups de bâton. Et M. Roch, rappelant chaque détail de la tragique mort de cet ancêtre martyr, qu’il comparait à Louis XVI, à la princesse de Lamballe, à Marie-Antoinette, suppliait les Jésuites d’avoir égard à de « tels antécédents et références » qui lui constituaient une véritable noblesse. Il expliqua encore que si Jean Roch n’avait point été supplicié en pleine vigueur de talent — ce dont il était loin de se plaindre, d’ailleurs —, Robert-Hippolyte-Elphège Roch, son fils, fondateur de la maison de quincaillerie, et Joseph-Hippolyte-Elphège Roch, le soussigné, son petit-fils, qui continua le commerce, n’eussent point végété en d’obscurs métiers, où ils s’étaient