Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/173

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récréations et revint à Bolorec avec une ostentation manifeste et gamine. Bolorec ne parla pas. Il sculptait un lézard et scandait de mouvements de tête rythmiques des airs de chansons intérieures. Aux questions que lui adressa Sébastien, il ne répondit que par des monosyllabes bougons et des haussements d’épaules. Le soir, prétextant une indisposition, Sébastien refusa de venir dans l’embrasure de la fenêtre. Mais, derrière ses rideaux, par un mince écartement, il se mit à observer le Père de Kern. Celui-ci avait repris sa place accoutumée. Accoudé contre le barreau de la fenêtre, il regardait la nuit s’avancer et tomber sur le parc, sur les jardins, noyer les cours d’une ombre transparente, cette belle nuit où d’ordinaire s’envolaient de si douces paroles et de si attachantes histoires. Il parut à Sébastien qu’il avait l’air plus grave et paraissait fâché, non pas fâché, peut-être, mais si triste ! Son cœur s’émut. Il s’accusa d’ingratitude, eut la pensée d’aller à lui, de lui demander pardon. Quand la nuit fut venue, tout à fait, le Père referma la fenêtre, et, d’un pas lent, glissé, il longea la rangée des lits. Tout dormait. Sébastien vit son ombre passer et repasser sur les rideaux ; il entendit le bruit de sa soutane et le tintement de son chapelet. Puis il n’entendit plus rien que la confuse rumeur des souffles ; il ne vit plus rien que la clarté des lampes vigilantes. Et il s’assoupit.

Sébastien ne tarda pas à s’apercevoir que la société de Bolorec ne lui suffisait plus. Les autres élèves lui semblaient ennuyeux et grossiers, ils se moquaient de ses exaltations poétiques. Un vide s’était fait tout à coup dans sa vie. Quelque chose