Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/179

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Une mère morte, adultère, à l’étranger… un père débauché, installant des concubines dans sa propre maison… une sœur mariée qui le recevait chez elle, demi-nue, au milieu de chiffons odorants et de dentelles, l’initiait à toutes les perversités de l’amour humain… La première, elle l’avait poussé dans les bras d’une femme qui avait achevé l’œuvre de dépravation commencée, si jeune, au collège !… C’est ainsi qu’il avait dégringolé tous les degrés du vice, qu’il s’était roulé dans l’enfer des plaisirs défendus… Enfin, Dieu avait eu pitié de lui… Un soir, en pleine orgie, il avait été miraculeusement touché de la grâce.

— Et, depuis, cher enfant, je vis dans l’amour, le véritable amour, l’immense amour de Jésus. Ah ! les fous qui vont demander à la créature humaine les courtes ivresses, les brèves extases, quand elles sont infinies, inexprimables, celles que donne la possession divine du corps de Jésus ! S’oublier en lui, se fondre en lui ! Promener, sur ce corps adorable, ses lèvres repentantes, coller sa bouche aux blessures béantes de ces flancs douloureux, baiser ces membres brisés, sentir contre sa chair mortelle l’embrasement de cette chair céleste !… Où donc trouver des délices comparables à celles-là ? Où donc rêver de pareils bonheurs, des bonheurs qui ne finissent jamais, et que la mort elle-même est impuissante à rompre ?…


Et, peu à peu, Sébastien entrait dans une atmosphère énervante et voluptueuse où, sous le voile de l’amour divin qui masque toutes les exaltations charnelles, toutes les sensualités irritées, toutes les dépravations organiques qui montent