Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/199

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lique se paillette de clinquant et de broderies barbares, et les pâles vierges de Quimperlé, si minces, si fragiles, si monastiques, et les hardies commères de Trégunc et de Concarneau, faites pour l’amour ; et les sardinières de Douarnenez, promptes à la riposte ordurière, sous le pauvre châle de veuve qui leur rétrécit les épaules ; et les pêcheuses de goémon de Plogoff, aux reins solides, aux flancs féconds. La lande s’égayait de ces grands rubans flottants, de ces vivantes fleurs processionnelles, de ces vols neigeux d’oiseaux voyageurs, qui rompaient la solitude noire des plaines, la solitude grise du ciel, le silence obstiné des pierres solitaires. Et, l’air soufflant sur les touffes d’ajonc apportait, avec des bruits traînants de mélopée, des aromes de vanille, par quoi s’embellissait, s’attendrissait l’austère paysage. Mais Sébastien ne sentait rien, n’entendait rien, ne voyait rien. Bolorec marchait près de lui, la figure en fête, les yeux brillants, les lèvres en train de chansons natales. Parmi les filles qui passaient, il reconnaissait celles de son pays, à leurs coiffes plates sur le haut de la tête, et dont les bords s’envolent au vent, comme des ailes. Et il disait, pinçant au bras Sébastien :

— Tiens, regarde donc… Elles sont de chez moi… Ce sont elles qui dansent sur la lande, et qui chantent… tu sais bien… qui chantent ?


Quand j’aurai quatorze ans,
Toute la nuit, je me divertirai
La ridé !
Avec mes amants
Avec mes galants.