Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/211

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intolérable dans sa poitrine ; un gonflement de ses muscles, soulevés par il ne savait quelles irruptions intérieures ; l’attente vague, désirée et redoutée, d’une défaillance de tout son être. Ah ! comme il eût voulu tremper son corps dans un bain d’eau glacée, se rouler sur des choses froides. Il arracha, rageusement, un paquet de mousse fraîche, s’en frotta le visage, en aspira l’âcre odeur de mucre et de terre mouillée.

— Pourquoi êtes-vous seul, ainsi, loin de tout le monde, mon cher enfant ?

Au son de cette voix connue, Sébastien se retourna vivement, les mains à plat sur le sol, prêt à se lever, prêt à fuir. Le Père de Kern était debout, à sa gauche, appuyé contre le tronc du chêne, le regard plongeant sur lui. Il mordillait une brindille de bruyère.

— Vous vous étiez endormi ?… Vous étiez las ?… Souffrez-vous ? lui demanda-t-il, tendrement.

D’abord, Sébastien ne répondit pas… Puis, soudain, les joues enflammées, la gorge serrée de colère :

— Allez-vous-en ! cria-t-il… Ne me parlez pas… Ne me parlez plus jamais… Ou bien, je dirai… Oui, je dirai que… je dirai… Allez-vous-en !…

— Voyons, mon cher enfant, calmez-vous… Vous êtes absous, et vous m’avez pardonné… Je suis si malheureux !

Ces paroles entrecoupées de silences, tombaient sur la peau de Sébastien comme des gouttes d’huile brûlante…

— Non… Non… Ne me parlez pas… plus jamais… parce que…

Et, d’un bond, se redressant, il s’enfuit, leste,