Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/212

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dans la bruyère et sous les branches, pareil à un jeune chevreuil.

L’heure était venue de repartir. On regagna le collège, par les traverses. Derrière Sébastien et Bolorec, qui marchaient silencieux, Jean de Kerral bavardait avec un compagnon.

— Tu sais qu’il y a eu un miracle, ce matin, à Sainte-Anne ? disait Jean… un très grand miracle ?… C’est le Père de Kern qui m’a raconté cela… Il y a trois jours, un Belge, c’est-à-dire un homme de la Belgique, arrive à Sainte-Anne, dans une auberge… Quoique malade, il avait fait la route à pied. En entrant dans l’auberge, il meurt… L’aubergiste envoie chercher un prêtre, puis un médecin. Le Belge était bien mort. Alors, le prêtre adresse une prière à sainte Anne et s’en va. Le matin, où on allait le mettre en bière, le Belge se lève tout droit, et dit : « J’étais mort, mais je suis ressuscité. » Et il demande à manger. Voilà ce qui s’était passé… Pendant que le Belge était mort, un voleur, un impie était entré dans sa chambre, et après avoir fouillé ses vêtements, il avait pris le porte-monnaie du mort, et, à la place de l’argent qu’il contenait, avait déposé une toute petite médaille de sainte Anne… Il croyait faire une bonne farce, cet impie, tu comprends. Eh bien, à la minute même où le Belge ressuscitait, le voleur mourait… Et ce qu’il y a de plus curieux, c’est que les sous volés au Belge étaient devenus des pièces blanches, et les pièces blanches, des louis d’or… Ça fait qu’il est très riche, maintenant, le Belge.

— Je connais quelque chose de bien plus beau, répliquait le compagnon. L’année dernière, arrive à Sainte-Anne, du fond de la Perse, un Persan…