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SÉBASTIEN ROCH

bouillonnaient dans son corps. Il se plut à imaginer d’audacieux rendez-vous avec Marguerite, les caresses futures, les enlacements, les formes ignorées de son sexe.

— Sais-tu comment c’est fait, toi, les femmes ? demanda-t-il à Bolorec.

Et Bolorec, bougon, mais non étonné de cette question imprévue, répondit, la bouche pâteuse :

— C’est fait comme tout le monde. Seulement, elles ont du poil sous les bras.

— Dis donc ? Tu n’as jamais…

Il n’acheva pas sa phrase. Et il désira la venue de la nuit, afin d’être seul, entre les cloisons silencieuses, seul avec les images.


Le lendemain, après le réveil sonné, les rideaux de Sébastien restèrent fermés. Rien ne bougea dans la cellule. En faisant sa ronde, le Père de Kern s’en aperçut, les ouvrit, et il vit l’enfant, en chemise, agenouillé devant son lit, et qui dormait profondément. Il avait dû être surpris dans une prière, par le sommeil, car ses mains jointes n’étaient pas, tout à fait, désenlacées. Sa tête reposait, inclinée sur le drap, mouillé de larmes fraîches.

— Pauvre petit ! se dit le prêtre, le cœur traversé d’un grand remords.

Il ne voulut point l’éveiller, afin qu’en ouvrant les yeux, Sébastien ne rencontrât pas sa figure détestée. Doucement, il referma les rideaux. Un frère passait.

— Recouchez cet enfant, ordonna-t-il… Il est malade… Et dites-lui qu’il dorme bien…