Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vait rien de plausible. L’idée que le Père de Kern avait pu combiner ce drame, le dénoncer, afin de se débarrasser de ses exaltations, de ses trop violents repentirs, ne venait pas à son esprit candide, trop ignorant du mal, pour soupçonner tant de noirceur. On le chassait, voilà qui était positif ! Depuis que le Père avait parlé, il se sentait soulagé, non pas content, mais soulagé véritablement, plus libre de respirer et de se remuer sur sa chaise. On le chassait. Mais alors leur désir se réalisait, à Bolorec et à lui. Il allait quitter le collège, ces murs étouffants, cette hostilité, cette indifférence, le Père de Kern. Qu’importait la raison ? Qu’importait aussi l’avenir ? Où qu’on le mît, jamais il ne serait plus malheureux qu’il l’avait été, plus abandonné, plus méprisé, plus souillé. C’est pourquoi il ne songea pas à protester contre l’arrêt sommaire qui le frappait, ni à en demander l’explication.

Le Père Recteur reprit :

— Maintenant, mon cher enfant, songez bien à ceci… Toutes les fautes sont rachetables pour qui veut sincèrement se repentir et bien vivre dans les commandements du Seigneur. Malgré votre péché, nous vous gardons de la tendresse et, chaque jour, nous prierons pour vous… Nous vous suivrons de loin, dans votre nouvelle existence, car nous n’abandonnons pas les fils, même coupables, que nous avons élevés, qui ont grandi sous notre protection et notre amour. Si, plus tard, vous êtes malheureux, et que vous vous souveniez des jours d’enfance écoulés dans la paix de cette maison, venez frapper à cette porte. Elle s’ouvrira toute grande, et vous trouverez des cœurs amis,