Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/232

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devait peser dans sa justice, dans ses combinaisons inconnues, la vie d’un enfant ? D’avance, il se résigna aux pires douleurs, et le corps tassé sur sa chaise, les épaules hottues, il attendit, presque insensible, ce qu’allait lui révéler le Père Recteur.

Celui-ci posa ses papiers sur le bureau, s’accouda aux bras du fauteuil et croisa les mains.

— Mon cher enfant, prononça-t-il, j’ai à vous faire une triste communication, triste pour vous, triste pour nous, surtout, dont le cœur se déchire, croyez-le bien… Nous ne pouvons plus vous garder au collège…

Comme Sébastien faisait un geste vague, le Père ajouta, plus vite, avec une émotion dont le ton factice grinça sur les nerfs de l’enfant, comme un doigt qui glisse sur du verre mouillé.

— Ne me demandez aucune grâce… Ne m’implorez pas… Ce serait me causer une inutile douleur… Notre résolution est irrévocable… Nous avons charge d’âmes… Les pieuses familles qui nous confient, purs, leurs enfants, exigent que nous les leur rendions purs… Nous devons être impitoyables pour les brebis galeuses, et les renvoyer du troupeau.

Et, hochant la tête, il soupira d’une voix triste.

— Après votre première communion, qui nous toucha tous, comment s’attendre à un tel scandale ?

Sébastien ne comprenait rien aux paroles du Père Recteur. Il comprenait qu’on le chassait, voilà tout ! mais pourquoi le chassait-on ? Était-ce pour sa conversation avec Bolorec ? Était-ce à cause du violon ? Le doute demeurait le même qu’auparavant. Il avait beau chercher, il ne trou-