Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/235

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mer la porte… Voulez-vous des livres ?… La vie de saint François-Xavier, notre saint patron ? C’est très amusant. Ah !… si vous souhaitez que je vous mène à confesse ?

— Non, mon frère.

— Vous avez tort, monsieur Sébastien Roch… Une bonne confession, voyez-vous, il n’y a rien qui vous remette comme ça !… M. Juste Durand s’est confessé au moins six fois en quatre jours… Ah ! le cher enfant !… Et quand j’entrais ici, il était toujours à genoux, et se frappait la poitrine… Mais aussi, quelle consolation !

— On l’a renvoyé tout de même !

— Oui !… Mais quelle consolation !

Demeuré seul, Sébastien s’étendit sur son lit. Il était plus calme, s’étonnait de ne pas souffrir, d’accepter presque, comme une délivrance, la honte publique d’être chassé du collège. Une seule chose le tourmentait, c’était de ne pas revoir Bolorec, de ne pas même savoir où on l’avait relégué. Et, longtemps, il pensa, avec attendrissement, à ses chansons, à ses petits morceaux de bois, à ses jambes trop courtes, qui peinaient durant les promenades, à cet étrange mutisme qu’il gardait parfois plusieurs journées, et qui se terminait par une crise de révolte, où le rire cruel alternait avec la colère sauvage. De ces trois années, si longues, si lourdes, Sébastien n’emporterait qu’un souvenir doux, celui de quelques heures vécues, près de ce bizarre compagnon, qui lui était encore une énigme. De toutes ces figures, une seule lui demeurerait chère et fidèle, la figure pourtant si laide, molle et ronde, de Bolorec, cette figure tout en grimaces, effarée, effarante, avec des yeux derrière