Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je veux parler au Père de Marel… Allez prévenir le Père de Marel que je veux lui parler, tout de suite !

— Mais ça ne se fait pas comme ça, monsieur Sébastien Roch !… Lui parler ! Tout de suite ? Oh ! grand saint Ignace !… D’abord il faut que vous adressiez, par mon entremise, une demande motivée au Très Révérend Père Recteur… Le Très Révérend Père Recteur, dans sa sagesse, statuera sur l’opportunité de votre demande, et…

Mais Sébastien l’interrompit, colère, trépignant sur le plancher.

— Je veux !… Je veux !… Je veux !…

Le frère ne se démonta pas, prépara lentement une feuille de papier, et, très humble, très formaliste, il dicta à l’enfant une demande qu’il alla immédiatement porter au Père Recteur. Une heure après, le Père de Marel entrait chez Sébastien.

— Ah ! malheureux enfant ! soupira-t-il… Malheureux enfant !

Sa figure était triste, et non sévère. Et sous le masque de tristesse, elle conservait une bienveillance extrême. Il répéta :

— Ah ! malheureux enfant !

Puis il se tut, et s’assit en poussant un gémissement.

Sébastien ne savait plus que dire. Il avait voulu voir le Père, il avait voulu se décharger en lui de tout ce que son cœur avait de trop pesant, et il ne trouvait plus un mot. La bouche glacée, stupide, il baissait la tête. Le Père gémit encore, en chassant quelques grains de poussière sur la table : « Est-il possible ? » et se tut de nouveau.