Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/245

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Après un silence embarrassant, il interrogea :

— C’est ce Bolorec, n’est-ce pas ?

Comme Sébastien ne répondait point :

— C’est ce Bolorec, réitéra-t-il, ce Bolorec qui vous a entraîné, qui vous a perverti ?… Parbleu ! c’est bien évident.

Sur une dénégation de l’enfant, il ajouta vivement :

— Ne le défendez pas ! Ce Bolorec est un monstre !

Alors, à l’idée de défendre Bolorec, Sébastien retrouva un peu de courage. Il bredouilla :

— Je vous jure, mon Père, je vous jure devant Dieu, que ce n’est pas Bolorec… Bolorec était bon avec moi !… Nous n’avons rien fait, jamais !… Je vous le jure !

— Pourquoi mentir ? reprocha le Père d’une voix attristée.

— Mais je ne mens pas, puisque je vous le jure !… puisque je vous dis la vérité.

— Ta, ta, ta… Vous ne pouvez pas nier qu’on vous ait vus, qu’on vous ait surpris ensemble !… Enfin, voyons, mon enfant, on vous a surpris !…

Et tout d’un coup, la lumière se fit dans l’esprit de Sébastien ; à la clarté foudroyante de cette lumière, il comprit tout. Il comprit que le Père de Kern avait inventé une horrible histoire, qu’il les avait dénoncés, Bolorec et lui, lâchement dénoncés, parce qu’il redoutait Sébastien, parce qu’il avait peur, qu’un jour, il n’allât crier sa faute. Ce n’était point assez de l’avoir déshonoré, lui, Sébastien ; il voulait aussi déshonorer Bolorec. Ce n’était point assez de l’avoir souillé, lui, Sébastien, dans