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Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/248

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l’Ordre, immolant à la politique ténébreuse un pauvre être, victime d’un attentat odieux que lui, chaste, il détestait et maudissait. À cette seconde, il éprouvait même, contre l’enfant possesseur d’un tel secret, et qui n’en était pas mort, la haine qu’il eût dû éprouver contre le Père de Kern, seul, et qu’il n’éprouvait point.

Bientôt, la colère de Sébastien s’atténua et mollit, les larmes vinrent et, avec les larmes, la détente nerveuse qui, peu à peu, le laissa sans force, sans résistance, le cerveau meurtri, les membres lourds, affaissé comme un paquet inerte, sur sa chaise. Le Père de Marel s’assit près de lui, l’attira doucement, presque sur ses genoux, l’enveloppa de paroles tendres, enfantines et berceuses. Au bout de quelques minutes, le voyant apaisé, engourdi :

— Voyons, mon enfant, êtes-vous plus calme maintenant ?… Puis-je vous parler raison ?… Voyons, écoutez-moi… Je suis votre ami, vous le savez… Je vous l’ai prouvé… Rappelez-vous votre fuite, le jour de votre arrivée ici… Rappelez-vous nos leçons de musique… nos promenades… Eh bien…

Paternellement, il essuya les yeux de l’enfant que les larmes gonflaient et tamponna son visage, à petits coups, avec un mouchoir.

— Eh bien… En admettant que ce crime soit vrai…

Sur un mouvement de Sébastien, il se hâta d’ajouter, en manière de parenthèse :

— Et il l’est… il l’est !…

Puis il reprit :

— En admettant qu’il soit vrai, et il l’est certai-