Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/283

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pas conscience de son état et parle toujours de retourner, bientôt, au séminaire. Ses parents se désolent, parce qu’ils se berçaient d’espoirs charmants. Ils avaient arrangé leur vieillesse… le presbytère du fils, une jolie maison avec un grand jardin… la mère aurait tenu la maison, le père aurait tenu le jardin… Et voilà que tout cela leur échappe ! Quoiqu’il fasse très froid, la chambre est sans feu… Maintenant que leur fils est condamné, la mère vend le bois qu’on lui envoie, et le père se grise, le soir, avec les bouteilles de vin de quinquina que le bureau de bienfaisance fait remettre au malade. Aujourd’hui, Joseph est triste, découragé.

— Ça ne va pas !… ça ne va pas ! gémit-il… ça me ronge, là, dans le poumon !…

Ses yeux sont brûlés de fièvre ; son visage est décharné, affreusement livide ; sa poitrine siffle, brisée par la toux. Dans la pièce voisine, la mère rôde et soupire :

— Mais, lui dis-je, ce n’est rien… Tu vas mieux, au contraire.

— Non ! non ! répète Joseph… Je suis bien malade, va !… Je suis perdu !… Hier j’ai entendu la mère qui disait que j’étais perdu !…

Je le réconforte de mon mieux. Et le vicaire, à ce moment, entre. C’est un gros garçon aux emmanchements solides, plein d’une santé canaille et bruyante.

— Ah ! Ça ne va pas !… Ça ne va pas !… murmure Joseph au vicaire.

Et celui-ci, dans un gros rire :

— Farceur !… C’est pour qu’on te plaigne… pour qu’on t’apporte des gâteaux !