Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/309

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on jase… on dit que je suis… que vous êtes… enfin on dit…

Et comme je m’étais arrêté cherchant mes mots :

— On dit quoi ? interrogea, très intriguée, Mme Lecautel.

Lâchement, sournoisement, je ne craignis pas de proférer, en dirigeant sur elle un œil oblique et cruel, ces mots :

— On dit que vous êtes… ma maîtresse !

— Taisez-vous !… quelle infamie !

Ah ! le regard qu’elle me jeta ! Je ne l’oublierai jamais, ce regard de révolte, de pudeur outragée… Oui, ce regard d’honnête femme, où cependant, je vis – et cela me brisa le cœur, et je l’adorai, depuis, comme une sainte, à cause de ce regard – où je vis une tristesse flattée, un regret peut-être, certainement une furtive lueur d’amour ! Que je l’ai aimée de ce regard, par où m’est apparue, pour la première fois, dans sa mélancolie si poignante, l’infinie et immortelle pitié du cœur de la femme !


2 février.

Ce matin, j’ai trouvé, dans la cuisine, le journal de mon père, qui traînait par hasard. Je l’ai parcouru et j’ai lu ceci : « On annonce que le R. P. de Kern prêchera le Carême cette année, à l’église de la Trinité. Le R. P. de Kern est un des prédicateurs les plus éloquents de la Société de Jésus. On se rappelle le bruit que firent à Marseille, l’année dernière, ses admirables sermons, véritablement inspirés. Aux qualités de dialectique serrée et savante du R. P. Félix, le R. P. de Kern joint un charme de parole, qui fait