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25 février.

Bolorec ne m’a pas écrit, et le journal n’a plus reparlé du Père de Kern. Souvent j’interroge Mme Lecautel qui, par les journaux de la poste, est au courant de tout. Elle ne sait rien non plus… Cela m’ennuie…


10 mai.

Mon premier rendez-vous avec Marguerite ! Je n’aurais pas cru que cela fût possible !

Hier, en me reconduisant, seule jusqu’à la porte de la rue, elle m’a dit, tout à coup, très vite et très bas :

— Ce soir, dix heures, trouve-toi, sur la route, devant l’allée des Rouvraies.

J’ai été stupéfait d’abord, et puis j’ai répondu :

— Non, Marguerite, c’est impossible… Je ne ferai pas cela…

— Si, si, si !… Je veux !

Sa voix montait, impatiente. J’ai eu peur que sa mère ne l’entendît ; j’ai eu peur aussi d’une scène, d’une crise, car elle était très agitée, très nerveuse.

— Soit ! ai-je fait.

— À dix heures !

Et Marguerite a refermé la porte.

Toute la journée, je me demandai si je devais aller à ce rendez-vous ! La laisser seule sur la route : je ne le pouvais pas. Et puis, du caractère absolu et fantasque dont je connaissais Marguerite, j’avais à craindre qu’une fois sortie, et ne me voyant point, elle ne s’en vînt chez moi ! Je me promis, d’ailleurs, de lui parler fermement. Pour-