dans la tristesse et dans la pitié, une pitié profonde pour cette créature si jolie et irresponsable, dont j’entrevoyais l’avenir perdu, la vie sombrée en d’irréparables catastrophes. J’essayai de la raisonner, je lui parlai doucement, avec une tendresse fraternelle. Elle se pelotonnait contre moi, sa main dans la mienne, silencieuse maintenant, les yeux tournés vers le ciel qui, entre les feuilles des trembles de l’allée, se nacrait d’une lueur à chaque minute, plus vive et envahissante, la lueur de la lune encore invisible, et cachée par les coteaux de Saint-Jacques.
— Si ta mère s’apercevait de ton absence, Marguerite, pense au chagrin que tu lui ferais ! Elle en mourrait peut-être ! Elle t’aime tant, tu le sais bien !… Quand tu étais malade, rappelle-toi, comme elle t’a soignée, comme elle était, nuit et jour, penchée sur ton lit, avec l’affreuse torture de te perdre !… C’est qu’elle n’a plus que toi, vois-tu. Non seulement tu es la consolation, mais tu es la raison seule de sa vie… Je suis sûr qu’elle doit se lever, la nuit, pour veiller sur ton sommeil, pour t’entendre respirer et dormir ! Marguerite, tu ne sais pas cela !… Mais quand elle me parle de toi, quelquefois, elle pleure, la pauvre femme… Elle me dit : « Oui, Marguerite va mieux…, mais elle est si drôle parfois… si excitée !… J’ai toujours peur… Et puis, elle ne m’obéit pas ! » Marguerite, ma petite Marguerite, songe à l’affreuse chose que ce serait… Ta mère, en ce moment, trouvant ta chambre vide, et criant, t’appelant, folle de douleur ! Marguerite, il faut rentrer tout de suite, ne pas perdre une seconde, il faut rentrer…