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Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/340

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SÉBASTIEN ROCH

— Ne me parle pas…

Marguerite obéit et pencha sa tête, elle aussi, sur la tête de Sébastien. Il lui sembla que c’était un petit enfant qu’elle avait à bercer, à endormir. Et comme elle ne voulait pas parler haut, de peur d’effaroucher le sommeil, elle murmurait intérieurement des chansons de nourrice, redevenue tout à fait petite fille, ravie de la protection que Sébastien était venu lui demander, et croyant jouer à la maman avec sa poupée, comme autrefois.

— Dodo !… fais dodo !… mon chéri.

Et elle-même, bercée par ses propres chansons, elle s’engourdit peu à peu, ferma les yeux et s’endormit, dans un ronronnement, d’un sommeil calme, enfantin.

Sébastien ne dormait pas. Il éprouvait, dans sa détresse, une sensation de bien-être physique, à se reposer ainsi, sur l’épaule de Marguerite, près de ce cœur apaisé, dont il comptait les battements. Et les larmes qu’il versait encore lui étaient presque douces. Il resta de la sorte, pelotonné contre elle, sans bouger, longtemps. Dans ce silence tout plein de bruits légers, dans cette molle clarté lunaire, les images mauvaises s’évanouissaient l’une après l’autre, et des pensées lui arrivaient, tristes toujours, mais non plus dénuées d’espoirs. C’était quelque chose de vague et de possible, une lente reconquête de son cerveau, un lent retour de ses sens aux perceptions pacifiques, une halte de son cœur endolori dans de la fraîcheur et de la pureté, avec des horizons moins fermés et plus limpides. Il y retrouvait, dans ce vague, des impressions anciennes d’enthousiasme et de bonté, des formes charmantes, des dévouements, des