Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/345

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remords pesants. Il ne voulut point se coucher, ouvrit sa fenêtre, et il regarda le jour paraître, éclater. Il était malheureux, et cependant, brisé par les violentes secousses de cette nuit, il ne pensait à rien.

Vers huit heures, M. Roch entra dans sa chambre. Il était très pâle et tenait à la main un journal déplié. Il ne s’aperçut point que le lit de son fils n’avait pas été défait ; et il s’affaissa sur une chaise en poussant un soupir :

— La guerre est déclarée !… C’est fini ! Tiens ! lis !

Et, tendant le journal à Sébastien, il murmura :

— Deux mille quatre cents francs !… Avoir payé deux mille quatre cents francs ! C’est trop fort tout de même !… Non ! c’est trop fort !… Et pour rien !

Tandis que Sébastien, un peu plus pâle aussi, et tremblant, parcourait le journal, M. Roch glissa vers lui un regard oblique, un regard de dur reproche par lequel il semblait faire le compte de tout l’argent que lui avait coûté son fils… pour rien !

Le soir, Sébastien écrivit :

« Une partie de la journée, j’ai rôdé par le bourg. Les esprits sont surexcités. Chacun se tient sur le pas des portes, commentant la nouvelle.

La plupart ignorent le peuple que nous allons combattre : j’entends des phrases comme celles-ci :

« — C’est y cor des Russes ou ben des Anglais qui nous en veulent ?

En général, on est consterné et triste, mais ré-