Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/37

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Sébastien s’approchait timidement, les coudes collés au corps, effrayé par les deux coques blanches qui nouaient le bonnet tuyauté de la vieille, et pointaient sur le sommet de son crâne comme des cornes de diable.

— Na !… Est-ce pas un bel homme ?…

Elle lui empoignait le bras : le faisait virer ainsi qu’une toupie ; et, dardant sur lui ses petits yeux méchants :

— Est-ce pas un bel homme ?… répétait-elle. Regardez-moi ça !… Et qu’est-ce qu’ils feront de toi, les Jésuites ? Tu crois peut-être qu’ils te garderont chez eux, avec ton air godiche, et tourné comme tu l’es ! Ah ! bien oui !… Mais sitôt qu’ils t’auront vu, ils se mettront à rire et te ramèneront ici. Veux-tu que je te dise une vérité, moi ?… Allons, nigaud, parle, réponds !… Veux-tu que je te dise une vérité ?

— Oui, ma tante.

— Oui, ma tante ! reprenait sur un ton moqueur et traînard la vieille Rosalie… Oui, ma tante !… Est-il bête cet enfant ?… Eh bien, ton père, le cher cœur, ton père est un imbécile, un gros imbécile, tu entends !… et tu le lui diras de ma part !… Tu lui diras : « Tante Rosalie a dit que tu étais un imbécile ! » Mon Dieu ! Mon Dieu !… Ça envoie son fils chez les Jésuites, et ça ne sait seulement pas nettoyer les lampes !… Et ça fait, toutes les nuits, des saletés avec sa bonne !

Elle haussait les épaules, méprisante, riait d’un rire mauvais, tandis que les yeux des vieilles filles s’allumaient de lueurs obliques.

De retour à la maison, l’enfant, de plus en plus découragé, se demandait si vraiment, il n’était