Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/8

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— Hé ! parbleu !… je le sais bien, acquiesça M. Roch qui répéta, en l’élargissant encore, le geste du curé. Hé ! parbleu !… à qui le dites-vous ?… Oui, mais c’est très cher ; c’est trop cher…

— C’est trop cher ?… riposta le curé… Ah ! dame… Écoutez donc… Toute la noblesse, toute l’élite… Ça n’est pas non plus de la petite bière, ça, Monsieur Roch !… Les Jésuites… Bigre ! ne confondons pas, je vous prie, autour avec alentour… Ainsi, moi, j’ai connu un général et deux évêques… Eh bien, ils en venaient… voilà !… Et les marquis, mon cher monsieur, y en a ! y en a !… Vous comprenez, ça se paie, ces choses-là !…

— Hé ! parbleu ! Je ne dis pas non… protesta M. Roch, ébloui… Évidemment, ça doit se payer !

Il ajoute, en se rengorgeant :

— D’ailleurs où serait le mérite ?… Car enfin, soyons justes… C’est comme moi, monsieur le curé… Une belle lampe, n’est-ce pas ? Je la vends plus cher qu’une vilaine…

— Voilà la question ! résuma le curé qui tapota l’épaule de M. Roch à menus coups affectueux et encourageants… Vous avez, mon cher paroissien, mis le doigt sur la question… Les Jésuites !… Bigre ! ça n’est pas rien !

Longtemps, ils se promenèrent, judicieux et prolixes, sous les tilleuls du presbytère, préparant à Sébastien un avenir splendide. Le soleil gouttelait d’entre les feuilles, sur leurs vêtements et sur les herbes de l’allée. L’air était lourd. Lentement, les mains croisées derrière le dos, ils marchaient, s’arrêtant, tous les cinq pas, très rouges, en sueur, l’âme remplie de rêves grandioses. Un