Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/81

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III


Peu à peu, Sébastien finit par se résigner à sa nouvelle existence qui se trouva prise dans l’engrenage de la tâche quotidienne et, désormais, sans trop de dures secousses, se déroula sur la régularité monotone des heures, ramenant toujours pareils les mêmes occupations et les mêmes événements. Il oublia le voyage pénible, l’entrée douloureuse dans cette grande prison de pierre grise, et le froid glacial qui lui avait étreint le cœur, rétracté la chair, à la vue des longs couloirs blafards, des petites cours intérieures, baignées d’un sépulcral jour ; il oublia les clameurs féroces, l’étang si morne, là-bas, sous le morne ciel et l’étrange, inconcevable folie qui, en une minute éperdue, l’avait poussé vers la mort, comme vers un refuge. Puis, les souvenirs du pays s’estompèrent dans une brume plus douce ; les regrets se firent moins poignants et plus lointains. Loin de son père, délivré de l’ennui de sa parole, du vide de ses conseils, il le trouva beau, grand, héroïque, sublime, et il l’aima d’un amour d’autant plus fort, qu’il en avait presque rougi, qu’il l’avait presque renié. Sa tendresse s’accrut de toutes les insultes endurées