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SÉBASTIEN ROCH

voix qui s’était, tout d’un coup, assouplie jusqu’à la prière. Cependant, il n’osa pas répondre. Le Jésuite insista.

— Pourquoi aviez-vous quitté la cour ? N’ayez pas peur… Je vous aime bien… dites, mon enfant !

Tandis qu’il parlait, il lui flattait la joue, et le considérait d’un air d’encourageante bonté. Il répéta avec un accent de pitié tendre.

— Pourquoi ?… Voyons… vous avez du chagrin, n’est-ce pas !… Vous vouliez vous en aller !…

Et, sous ces paroles simples qui le conquéraient, Sébastien sentit comme une digue se rompre dans sa poitrine, puis un flot de larmes l’inonder. Suffoquant, la gorge brisée par les hoquets, il se jeta dans les bras du Père, sanglota.

— On m’a… on m’a… on m’a…

Il n’en put dire davantage. Comme un noyé qui se cramponne éperdûment à l’épave miraculeuse que la vague lui apporte, il s’accrochait, de ses doigts crispés, à la robe du Père. Et tout son corps tremblant, secoué de spasmes, se haussait, se collait contre le corps du prêtre, dans un paroxyste amour de vie retrouvée.

— On m’a… on m’a… on m’a…

Lorsqu’il fut un peu calmé :

— Allons, ne pleurez plus, consola le Père… Cela n’est rien, mon petit ami… Venez vous promener avec moi… Ensuite, je vous ramènerai à l’étude…

Mais Sébastien, la tête toujours cachée dans la soutane, gémissait :

— Non !… non !… Je ne veux pas… Je veux retourner à Pervenchères… Je… je suis d’Pervenchères…