Bolorec vint prendre place à côté de Sébastien. Boulot, les joues rondes, le front mangé de cheveux crépus, le buste trop long et roulant sur des jambes trop courtes et mafflues, il servait, comme Sébastien, de point de mire aux plaisanteries des camarades. Il était fils de médecin, profession non acceptée et fertile en brimades. Mais les brimades glissaient sur sa chair flasque et sur son amour-propre cuirassé sans y laisser trace de blessures. Il paraissait ne rien sentir, ne rien comprendre et souriait toujours. Rien n’altérait ce sourire éternel, ni les bousculades, ni les coups de pied, ni les surnoms les plus pénibles.
Bolorec reboutonna son gilet, ramassa la corde de sa toupie, qui pendait jusqu’à terre, hors de la poche de son pantalon, bourrée de choses dures, et il regarda Sébastien d’un regard bienveillant d’idiot.
Les rangs se formèrent ; au signal de la cloche, la petite troupe s’ébranla, silencieuse, sous la conduite de deux Jésuites, placés en serre-file, l’un à la tête, l’autre à la queue de la colonne. Sautillant et réjoui, Jean se pencha à l’oreille de Sébastien, et, très bas :
— Tu es content d’être avec moi, dis ?… Bolorec aussi est très content… Moi, je suis content, parce que je n’aime pas qu’on embête les autres.
Une fois dehors, ils longèrent le port, durant une centaine de mètres. C’était l’heure de la marée basse. Une eau noirâtre dormait dans l’étroit chenal. Sur la vase, parmi des barques échouées, une goélette était couchée, de flanc, sa quille à l’air, sa mâture oblique, penchée, comme prête à tomber dans le vide. Des chaloupes de pêche