Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/96

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arbre, bondissait de branche en branche, la queue en l’air.

— Tu ne sais pas à quoi je pense ! dit Jean… Je pense qu’il faudra demander à ton père l’autorisation de sortir chez nous… Ça me ferait plaisir d’être ton correspondant… Maman voudra bien, papa aussi, et les Pères aussi… Tu joueras du tambour, et tu mettras mon uniforme… L’année dernière, papa n’a pas voulu pour Bolorec… mais toi, ça n’est pas la même chose… parce que toi… enfin oui… parce que Bolorec est trop sale…

Et il raconta, en phrases saccadées, en récits décousus, le château de Kerral, son père qui avait de grosses moustaches blondes, sa mère qui était très jolie, la grande calèche, et les six chiens courants qui chassaient les renards et forçaient les lièvres.

Sébastien buvait avidement les paroles de Jean. Il se voyait déjà l’hôte choyé, caressé d’une belle dame, dans un château qu’il imaginait resplendissant, avec des fossés larges, des tours massives, des murs crénelés, comme étaient ceux des remparts de Vannes. Son cœur se fondait dans des espoirs infinis.

Jean poursuivit :

— Tu connais bien l’histoire des six chiens courants, de papa et du clerc d’huissier ?…

— Non, répondit Sébastien, fâché de ne pas savoir tout ce qui intéressait son ami.

— Comment, tu ne la connais pas ! mais tout le monde la connaît au collège… Eh bien, un jour, mon père revenait de la chasse… Il n’avait rien vu, et n’était pas content… En approchant d’Elven, voilà qu’il aperçoit, sur la route, le clerc d’huissier.