Page:Mirbeau - Théâtre I.djvu/14

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Pas dîné… Elle n’a pas dîné… Toujours la même chose… Ah ? ne soyez jamais malade…

(Silence. Elle essuie son front où la sueur coule.)
Le mari, il s’est assis confortablement dans un fauteuil d’osier, les jambes croisées, la tête vers le ciel.

On est, ma foi, très bien ici…

La Femme

Ah ! tu trouves ?…

Le mari

Mais oui… L’air est doux… pas le moindre vent… pas la moindre humidité. Et vois comme le ciel est beau !… Il n’y a rien que j’aime autant que ces calmes soirées, sur la terrasse… (Il se balance.) Mon Dieu ! je ne suis pas plus poétique qu’un autre… mais… je ne sais pas… cette pureté… ce vague… ce silence… tout cela me met dans l’âme une plénitude… une douceur… une émotion… ma foi, oui !… une émotion qui repose et qui berce…

(Il accentue son balancement.)
La Femme

Tu es heureux, toi !…

Le mari

Et toi… je suis sûr que tu te sens très bien, maintenant ?… Parbleu ! c’est évident… Et si tu m’écoutais ?… Était-ce la peine de tant crier, de tant protester ?…

(Il allume un cigare.)
La Femme

Ah ! tu fumes ?

Le mari

Certainement, je fume… cela te gêne ?