Page:Mirbeau - Théâtre I.djvu/140

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n’est-ce pas ?… Et puis, sans doute, il avait acheté leur silence…

La voix de Germaine tremble… L’expression de son visage devient de plus en plus douloureuse.
LUCIEN

Tous ces souvenirs te font mal… ma chère Germaine… Tes mains sont brûlantes… Je sens des sanglots dans ta voix… Je t’en prie !…

GERMAINE

Non… non… cela me fait du bien… au contraire… Cela me soulage… C’est comme un mal qui m’étouffe et que j’arrache de moi… (Reprenant.) Dauphin allait sombrer… Ne sachant plus que faire, comme on tente un coup désespéré, il vint trouver mon père, le supplia de le sauver… Quel marché intervint entre ces deux hommes ? Je l’ignore. Quel secret y avait-il entre eux ? Je ne le sais pas davantage… Ce que je sais, c’est que Dauphin, en échange d’un secours illusoire… d’une promesse… de rien, peut-être… dut donner à mon père… en dépôt… en dépôt… comprends bien… tout ce qui lui restait des actions de sa banque… Quelques jours après… ces mêmes actions étaient vendues à la Bourse… d’un coup… Ce fut la panique. Les cours s’effondrèrent et… avec eux… la maison de Dauphin… Celui-ci… livide… décomposé… fou… accourut chez mon père… Il pria… menaça… implora à genoux. « C’est un crime. C’est mon droit. — Vous me perdez. — Je me garantis. Mais j’ai une femme… des enfants. — Moi aussi. — Mais vous m’acculez au suicide… — Je m’en fous… » Et rentré chez lui, Dauphin se brûlait la cervelle… Les affaires sont les affaires.