Page:Mirbeau - Théâtre II.djvu/215

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souviens-tu comme j’étais faible et timide… et comme il faisait nuit dans mon âme ?… Tu es venu !… Et tout ce qui était obscur en moi… s’est illuminé !… Et c’est de ta lumière, de ta lumière, mon bien-aimé, que je suis faite, aujourd’hui !…

Jean

Aujourd’hui !… c’est toi qui me soutiens, Madeleine… toi qui redresses mon courage… quand il chancelle… toi qui, de mes défaillances, fais sans cesse un renouveau de force et de foi… C’est dans tes yeux… dans le ciel profond de tes yeux que je vois luire l’étoile future… et se lever, enfin, l’aube de la suprême délivrance !… Et j’avais deviné et j’avais vu tout cela, tout cela, dans tes larmes !

Madeleine

Souviens-toi, quand je pleurais !… (Elle appuie sa tête contre la poitrine de Jean.) Rien qu’un seul de tes regards séchait aussitôt mes yeux !… Et, à ta voix qui me parlait… c’était, mon Jean, comme des palais… des palais où les pauvres étaient vêtus d’or… où je voyais passer toutes mes détresses en longues traînes brillantes… ailées aussi, belles et légères comme des fleurs !… Oh ! tu ne peux pas savoir les miracles de ta présence !… Et comment, rien que d’être là, près de nous, tu changeais en un royaume éblouissant… notre maison si misérable et si noire !…

Jean

Madeleine ! Madeleine !… J’avais vu tout cela dans tes larmes !

Madeleine

Et mes petits frères !… Souviens-toi, quand ils pleu-