Page:Mirbeau - Théâtre II.djvu/80

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triste… si triste… et jamais je ne m’étais senti si pauvre… si pauvre !… (Il baisse un peu la tête, et se passe la main dans les cheveux.) Rien, dans les autres compartiments… pas une carte… pas une photographie… pas une lettre… pas le moindre indice qui pût faire connaître le propriétaire de cette fortune que j’avais là… dans la main… Et je me dis encore : « Ah bien, merci !… Va falloir que je porte ça au commissaire de police… Ça va me déranger de ma route… et je suis bien… bien fatigué… Non… vraiment… cette nuit… je n’ai pas de chance… » Et voilà, Monsieur le commissaire… Je cherchais deux sous… deux vrais sous… et je tombe sur des dix mille francs !… (Geste de découragement.) Ça fait pitié !…

Flora, qui s’est montrée très intéressée par ce récit.

Ah ? bien vrai ! Quelle gourde !…

(Gestes bourrus, menaces des agents.)
Jean Guenille

Et maintenant, Monsieur le commissaire… il est tard… j’ai les membres rompus et bien du chemin à faire… Je vais m’en aller, si vous le permettez ?…

Le Commissaire

Un instant !… Vous ne pouvez vous en aller comme ça… Vous ne le pouvez pas, sapristi !… Mais c’est une histoire ébouriffante que vous me dites là… presque un conte de fées… c’est shakespearien !… Mais saperlipopette… si tout cela est vrai…

Jean Guenille

Sur ma tête, Monsieur le commissaire de police…