Ah ! ce pauvre Turpin !… comme il doit en avoir de l’amertume !… Voilà un homme qui aurait pu être commerçant, fonctionnaire, député, journaliste !… Il aurait pu gagner beaucoup d’argent et vivre une vie heureuse !… avec son intelligence, n’est-ce pas ?… il pouvait aspirer à tout.
À tout !
Eh bien ! cet homme se dévoue !… Il renonce à la fortune, il renonce aux joies d’une existence facile et brillante, et il se consacre, tout entier, au bonheur de l’humanité… Il se dit : « Voyons, combien pourrais-je en tuer, d’un coup ? » À partir de ce moment, il s’enferme dans cette idée fixe… Il étudie dans les livres, s’enfonce dans les chiffres, manie des poudres dangereuses, dose d’extravagants liquides !… Il ne boit plus, ne mange plus, abandonne ses amis, ne va plus, le soir, faire sa partie, au café ?… Est-ce une vie ?… Et les résultats sont lents… Un jour, c’est dix hommes qu’il pourra tuer d’un seul coup ?… Vous me direz : « C’est déjà quelque chose ?… Mais qu’est-ce que c’est que ça, dix hommes ?… Une autre fois, c’est vingt hommes ?… Il y a du progrès ?… Et les difficultés s’accumulent… Ce patriote se heurte, à chaque instant, à de stupides préjugés, à des obstacles infranchissables, de toute nature !… Ce sont aussi les découragements inévitables, les crises morales effrayantes qui réduisent la volonté à rien, des doutes affreux qui paralysent et déconcertent… Il se prend, dans les nuits de