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III

Cinq heures au Meurice.

Tables. Journaux. Revues anglaises avec des dentifrices, des lévriers, des jardins, des mariages, une femme qui rit au beau milieu d’une page. Elle a de belles perles en sautoir : la duchesse de…

Daniel à chaque instant se retourne. Il voit la porte tournante du hall, la pendule, les chasseurs en livrée bleue et l’ombre de l’ascenseur qui monte et descend ; une femme en sort comme un oiseau, mais ce n’est jamais Germaine. Les chasseurs s’amusent à faire tourner la porte. Son carrousel vitré se reflète sur le dallage et coupe la lumière en bandes brillantes qui font mal aux yeux. Il est venu parce qu’il n’a pu dormir et que la pensée de ne plus revoir Germaine le rend fou. Il n’a nullement cru ses paroles d’hier. Cette scène, il la porte en lui avec ses larmes. Il en a honte pour elle, pour lui, pour Jérôme même. Il a honte.

C’est le sentiment qui domine dans son cœur, il le croit du moins, la honte, et par instant, l’ironie cinglante qui y fait place avec de belles phrases.

Le visage de Germaine s’est penché sur sa vie, comme une fleur sur l’eau d’une rivière qui coule, emportant avec du soleil mille feuillages. Pourquoi donc ne peut-il s’en débarrasser et le garde-t-il en lui, à ce point que rien d’autre n’existe, sauf ce contour nouveau, cette effigie bien ressemblante maintenant, et dont il pour-