Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/20

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rait, croit-il, dessiner sur sa poitrine la place ronde comme celle d’une médaille. Germaine.

De nouveau il se retourne, le carrousel tourne et cisaille la lumière : un vieux monsieur aborde.

Ah ! que Daniel se sent pauvre et malheureux, car il attend sans espoir et, si elle ne vient pas, aucun moyen de la revoir ne lui reste. Il souffre.

Ce nouvel état le gêne comme une amputation subite. On ne peut y croire, on tâte. Voyons, c’est un tour. Le nouvel estropié oublie qu’il n’a plus de jambe pour la vie entière. Ainsi Daniel, et ce cœur qui lui fait mal, sous sa veste, comme une plaie.

Il repasse à nouveau toute sa journée d’hier. Odieuse journée, que n’est-il parti avant sa fin mémorable et menteuse. Il aurait au moins conservé un beau souvenir de son amie.

Continuer d’aimer un être qui a trahi les premières images que nous nous en étions faites est une grande douleur, une grande gêne pour un jeune homme qui ne connaît pas les humiliations perpétuelles de l’amour.

Jusqu’alors, on avait gardé l’illusion que l’amour est un plaisir, parce qu’on croit qu’il dépend de la volonté. Mais du jour où, renversant nos préjugés, il nous fait aimer ce que notre nature détestait le plus auparavant : le mensonge et l’hypocrisie pour Daniel, on s’aperçoit que c’est une lutte bien dure, à rebours de tout ce que nous aimions et dans laquelle on laisse avec sa honte et ses larmes, les belles résolutions de jadis.

L’amour, à vingt ans est une gifle qui vous fait renoncer à vous-même. Les parents aveugles s’y efforcent souvent, avec de moins sûrs résultats.

Daniel aimait Germaine.

Déjà il ne voulait plus et déjà il n’y pouvait rien. Sa rébellion ne fait qu’accentuer les signes