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Daniel a perdu un peu l’habitude de ces algarades. Il regarde Germaine, qui fume distraitement près de la cheminée, et puis il perd courage. À quoi bon lui répondre, elle a déjà oublié.

Le feu pétille.

Cette phrase : « On pourrait être heureux » lui revient comme une ritournelle.

— « Germaine, dit-il enfin, je vous envie d’être si aveugle quant au cœur des autres. »

— « Ah ! Je sais bien que vous ne me ressemblez pas. Lisez-moi plutôt vos poèmes… »

Ce soir-là, ils parlent très tard, peut-être plus sincèrement que jamais. Ils discutent des choses du cœur, et Daniel lut ses poèmes, qu’elle trouva beaux.

Maintenant, ils sont dans la chambre rouge. Germaine est couchée, Daniel a obtenu de rester quelques instants encore, jusqu’à ce qu’elle s’endorme.

Il est au pied du lit, sur une chaise, comme une garde-malade. Une seule lampe, entre le téléphone et des livres, éclaire l’oreiller où Germaine appuie sa joue. Perdu dans tant de blanc fragile, son visage paraît soudain rajeuni, avec une expression enfantine, presque endormie, qui ravit Daniel. Il croit réellement qu’il habite là, qu’elle est à lui, et cependant, guindé sur sa chaise et timide, il parle, il raconte, il commente. Tout, plutôt que ce silence du milieu de la nuit, dans une chambre où elle dormirait.

— « Mon petit Daniel, dit-elle en fermant les yeux, vous ne savez pas comme vous êtes fatigant sur cette chaise. Vous parlez tout seul, vous dites des tas de choses, ce n’est pas l’heure. On n’entend même plus de voitures. Partez vite, ou bien, couchez ici ».

— « Coucher ici, Germaine. »

La façon dont elle l’a dit fait qu’il le prend sur le même ton libre et sans trouble :