Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/41

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Germaine promit très aimablement de venir le soir même, malgré un dîner en ville, dit-elle.

Daniel, frémissant d’angoisse et de fièvre, l’attendit jusqu’à minuit ; sa mère, près de lui, tenait ses mains, le faisait patienter, répétant pour la centième fois la conversation du téléphone, imitant la voix de Germaine, promettant qu’elle viendrait le lendemain, sans doute.

Pendant trois jours, la maison fut pleine des fleurs qu’elle aimait, pour qu’elle s’y plût ; naturellement, elle ne vint pas.

Daniel pense à cela ce soir, il pense à tout. Il regarde cet appartement où il vint, voici deux mois, faire une visite.

Quelques meubles ont été changés. Il y a des iris et de grosses pivoines molles qui font penser à Rubens. Que tout est donc triste, car cette aventure commencée dans le mensonge et par caprice fut si inutilement douloureuse. Elle a vraiment le goût même de la déception, une saveur de cendre et de larmes. Son bel élan vers Germaine, son premier élan de véritable amour fut bien fauché, brisé net, comme les reins d’un coursier.

Daniel n’en veut qu’à lui-même, seulement il sourit tristement, en voyant tout à coup combien l’objet de son amour est loin de cet amour, combien l’objet de son amour est médiocre. Certes, la femme qu’il aima n’a jamais existé, car ce n’est certainement pas la même que celle-ci qui, toute prête et fardée pour le soir, l’attend dans le grand salon pour aller dîner au restaurant.

— « Allons au Bois », dit-il, poursuivant son ancien rêve, mais ils dînèrent aux Champs-Élysées, car il fallait rentrer vite afin qu’elle s’habille pour le bal.

Daniel avait encore très mal à la gorge et ne put pas beaucoup parler, c’était sa première