Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/5

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tout le temps, en effet, la vie de Daniel ne commence peut-être que de ce soir.

Ils se taisent et montent rapidement l’étage court qui les sépare du palier. Daniel y retrouve avec plaisir cette odeur de bois brûlé qui, tantôt, l’avait séduit, lorsqu’il vint faire sa première visite. Maintenant, il sait d’où elle vient. Il connaît le petit salon plein de fourrures. En entrant, il faillit tomber, car l’ours blanc mord les pieds du voyageur. C’est une épreuve. Immédiatement il vit dans la bibliothèque les livres qu’il aime. Et puis le feu, le grand feu dont voici l’odeur et qui danse, comme l’oiseau de feu. On s’assied par terre, devant ; Germaine règne sur ce domaine étrange de flammes et de fourrures qui évoque une Russie de conte de Noël avec des fenêtres en mica rose et des dômes d’argent, Germaine ? est-elle vraiment belle ? Daniel oublie son visage dès qu’il cesse de la regarder. C’est même très pénible. Ce visage en lui se transpose. À ses traits se mêlent ceux de d’autres visages qu’il connaît très bien. Si bien que c’est une perpétuelle partie de cache-cache. Germaine se sauve. Il faudra cependant bien qu’à la fin il l’attrape.

— « Voyons, dit-elle, vous rêvez ? »

Ils sont dans le petit salon.

Le feu est en braise rose, il construit en s’écroulant de beaux paysages. D’un jardin naît une tour, de la tour, un profil, du profil, un abîme, Germaine sert le thé. Il est froid et imbuvable. Alors, agacée, dans un fauteuil elle se laisse choir comme une fleur fatiguée. La petite robe rose, qui est noire, se creuse en un golfe d’ombre dangereux près des jambes. Daniel est auprès d’elle. Il retient dans les siennes ses mains, qu’il embrasse de temps à autre. Il lui semble qu’ils ont tous deux sommeil, et pourtant il ne voudrait pas partir. Alors, pour distraire cette espèce