Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/57

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c’est celle-ci et pas une autre, il se met lentement à la relire.

Tous les mots portent en lui comme des pierres.

Il est lapidé, il succombe.

— « La voleuse, murmure-t-il, la voleuse. »

Des ondes de colère luttent avec ses larmes.

Il prononce des mots ignobles, se bat avec son amour, contre lui-même.

Un horrible désir est en lui, une jalousie folle.

La voix lancinante de sa maîtresse en amour hante ses oreilles et sa chair.

Assis sur une chaise, sous l’ampoule électrique de cette chambre d’hôtel, correct en son smoking, ce jeune homme qui lutte avec des songes, avec une femme dont, à cette minute, c’est le corps qu’il voudrait, le corps qu’il déchirerait, lui semble-t-il, comme un vautour – et si elle entrait, c’est à genoux qu’il irait vers elle – se met à écrire pour se distraire.


Notes de Daniel

Aube sur les sentiers, jeunesse. Que j’ai donc marché longtemps, mes pieds saignent, j’ai appelé, j’ai mal dans tout mon corps, dans toute mon âme, j’ai mal, mais je voudrais guérir…

Vais-je guérir ?

Si c’était la délivrance, sans souvenirs.

C’était un bourbier, un corps à corps dans un bourbier, j’ai le visage dans la boue, je suis aveuglé, je suis vaincu.

J’étais venu ici pour attendre Germaine. Quel horrible mensonge !

Ce départ à la gare de Lyon, elle savait déjà que c’était pour bien longtemps. Elle détournait ses lèvres, déjà ! Elle disait : « Tu devrais venir, tu aurais dû venir… » Mon Dieu, mon Dieu, je meurs, je suis broyé par mes souvenirs.